CHAPITRE X

Le docteur Graham se trouvait à Jamestown dans le bureau de l’administrateur. Assis à une table, en face de lui, se tenait son ami Daventry, un homme de trente-cinq ans à l’aspect sévère.

— Vous sembliez plutôt mystérieux au téléphone, Graham. Des ennuis ?

— Pas exactement, mais je suis effectivement soucieux.

Daventry lui adressa un signe au moment où on apportait les boissons. Il parla d’une expédition de pêche qu’il venait d’entreprendre. Lorsque la domestique se fut retirée, il se cala confortablement dans son fauteuil et fixa son visiteur.

— Bon, je vous écoute.

Le docteur Graham raconta ce qui le tracassait. Daventry siffla doucement.

— Je vois. Vous pensez qu’il y a quelque chose d’étrange dans la mort du vieux Palgrave, et vous n’êtes plus certain qu’il s’agisse d’un décès naturel. Qui a signé le permis d’inhumer ? Robertson, je suppose. Il n’a eu aucun doute sur le moment ?

— Non, mais il est possible qu’il ait été influencé par la présence des pilules de « Sérénité » dans la salle de bains. Il m’a demandé si Palgrave s’était plaint d’hypertension et je lui ai répondu par la négative. Je n’ai jamais eu de conversation médicale avec le défunt, mais à ce qu’il semblerait, il se serait entretenu avec les autres pensionnaires de l’hôtel de cette maladie. Le flacon de pilules et ce que Palgrave a raconté, cadraient bien avec sa fin subite. Aucune raison de suspecter autre chose. Conclusion : décès tout à fait naturel. Mais, aujourd’hui, je n’en suis plus tellement sûr. Personnellement j’aurais agi comme Robertson. Depuis, il y a eu l’inexplicable disparition de cette photo.

— Entre nous, Graham, si vous me permettez cette remarque, ne vous basez-vous pas trop sur les racontars sans doute un peu fantaisistes de cette dame ? Vous savez comment sont ces vieilles personnes ? Elles grossissent les petits détails et sans bien s’en rendre compte transforment toute une affaire.

— C’est probable mais je n’en suis pas pleinement convaincu. Elle était si affirmative, si précise.

— Tout de même, cela me paraît un peu tiré par les cheveux. Le seul indice au fond, c’est qu’une femme de chambre affirme qu’un flacon de « Sérénité » qui influença le jugement des autorités, ne se trouvait pas chez le major la veille de sa mort. Mais il y a cent explications pour justifier cette apparente anomalie. Le major peut avoir gardé son remède sur lui.

— En effet.

— La femme de chambre pouvait aussi n’avoir pas remarqué ce flacon plus tôt.

— Possible également.

— Alors ?

— Il n’empêche que la servante a l’air très sûre d’elle.

— À St. Honoré on se laisse facilement impressionner et on y a beaucoup d’imagination… Estimez-vous que cette fille en sache plus que ce qu’elle a déclaré ?

— Peut-être.

— Dans ce cas vous seriez bien avisé de susciter les confidences. Nous ne voulons pas déclencher une enquête à moins que nous n’ayons un fait précis et nouveau. Si le major n’est pas mort d’hypertension, à quoi aurait-il succombé, à votre avis ?

— Les causes ne manquent pas.

— Pensez-vous à une cause qui ne laisse aucune trace ?

— Tout le monde n’emploie pas l’arsenic, mon cher.

— Parlons clairement : vous semblez suggérer qu’un flacon de pilules a été substitué à celui dont usait Palgrave, et cela en vue de l’empoisonner ?

— Non, c’est ce que suppose la femme de chambre. Mais, pour moi, elle a mal interprété les événements. Si le major devait disparaître – rapidement – on lui aura donné du poison dans une boisson quelconque puis, pour laisser croire à une mort naturelle, on a placé un flacon de « Sérénité » dans sa chambre. Et la rumeur a circulé qu’il souffrait d’hypertension.

— Mais qui a répandu ce bruit ?

— J’ai tenté de le savoir, mais sans succès : celui-ci le tient de celui-là, celui-là l’a appris d’un autre et cet autre d’un autre. Et ainsi de suite. On tourne en rond.

— Il y aurait donc quelqu’un de très astucieux dans le coup ?

— Sûrement. Sitôt le décès connu, tout le monde se mit à parler de l’hypertension du major.

— N’aurait-il pas été plus simple de l’empoisonner et d’en rester là ?

— Non, car on risquait l’enquête et peut-être l’autopsie. Tandis que de cette façon un médecin devait trouver ce décès normal et délivrer le permis d’inhumer.

— Qu’attendez-vous de moi au juste, Graham ? Que j’alerte le C.I.D. ? Que je propose l’exhumation ? Beaucoup de remous en perspective.

— Ne pourrait-on agir discrètement ?

— À St. Honoré ? Vous plaisantez ! Cependant nous allons nous en occuper. Mais si vous voulez mon opinion, nous ne trouverons rien.

— Je le souhaite de tout cœur…

 

Le major parlait trop
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